Séminaire éphémère international du Lise

Santé mentale, justice et protection sociale : fabriquer et gérer les destinataires de l’intervention publique

Conference sur la reforme du systeme de sante americain

23 juin 2025
14h - 17h

  • Alex V. Barnard, Assistant professor of Sociology New-York University : « Consentement » et « Compliance » : la création des « sujets gouvernables » dans les interventions psychiatriques et judiciaires en France et aux États-Unis.

La prise en charge des maladies mentales sévères est fragmentée entre diverses institutions et professionnels. Comment ces intervenants coordonnent-ils leurs actions pour structurer les parcours des individus qu’ils accompagnent ? Cette étude analyse 300 audiences judiciaires à Paris et New York, où des patients hospitalisés sans consentement demandent à sortir. Plutôt qu’une simple alliance ou opposition entre juristes et médecins, elle montre une coordination minimale pour faire des patients des « sujets gouvernables » (Goffman). En France, l’objectif est un consentement minimal pour maintenir le lien médical, tandis qu’aux États-Unis, la priorité est la « compliance » médicamenteuse pour permettre la sortie. La « compliance » et le « consentement » répondent, d'une façon loin d'être idéale, aux exigences administratives et juridiques de ces deux contextes. Cette analyse nous invite à mieux cerner les différents types de coopération nécessaires entre acteurs (patients, usagers, justiciables) pour l'accomplissement du travail professionnel.

  • Aude Lejeune, DR, CNRS, CERAPS : "La femme handicapée, une autre welfare queen. Genre et employabilité dans l’attribution des prestations sociales"

Dans un contexte d'incitation croissante au retour à l’emploi, comment les personnes en situation de handicap ont-elles accès à leurs droits sociaux ? À l'appui d'une enquête ethnographique au sein de plusieurs tribunaux français qui tranchent les affaires relatives à l'octroi de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), ma présentation porte sur les logiques de détermination de l’employabilité et d’attribution des prestations sociales. Je montrerai que les femmes handicapées de classes populaires font - comme les femmes noires aux Etats-Unis perçues comme des profiteuses de l'Etat providence (welfare queens) - l’objet de plus de soupçons que les hommes lorsqu’elles cherchent à démontrer qu’elles ne sont pas employables sur le marché du travail.

  • Ivan Garrec, postdoctorant (projet CISRA), IRIS - EHESS : À quoi sert une catégorie de santé mentale ? Enquête sur l’existence sociale du « trouble de la personnalité borderline » en France

Les catégories de santé mentale font actuellement l’objet d’une multitude de discours qui n’émanent pas seulement des dispositifs de soins. En effet, lorsqu’il s’agit d’évoquer certaines difficultés ou spécificités personnelles, ces catégories se retrouvent dans le champ médiatique, du côté des productions culturelles, ou encore au sein d’interactions sociales plus ordinaires. Comment comprendre la prééminence de ce langage psychologique ? Pourquoi nommer les difficultés et les spécificités individuelles avec ces catégories plutôt que d’autres ? Finalement, à quoi servent les catégories de santé mentale et pour qui ? Face à ce questionnement, cette présentation reviendra sur les principaux résultats d’une thèse de sociologie qui problématise l’existence sociale d’une catégorie de santé mentale genrée et contestée : le « trouble de la personnalité borderline ». Pour ce faire, elle éclairera les conditions de sa disponibilité dans l’espace social, les contextes dans lesquels elle circule, ainsi que les pratiques de catégorisation qui participent, concrètement, à la faire exister.

Discussion par Rémy Ponge (Maître de conférences, Aix-Marseille Université - Institut Régional du Travail, Lest, membre associé au Lise).

Entrée libre et gratuite

 

Le Séminaire Ephémère du Lise

Contact : Anne Gillet